15 avril 2020 - La carence en vitamine D, un facteur de risque ?
Correspondance : Michel Gerson
Mots clés : COVID-19 ; vitamine D [COVID-19 ; vitamin D]
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Plusieurs études et méta-analyses suggèrent que la carence en vitamine D est un facteur de risque des infections respiratoires aiguës et qu’une supplémentation pourrait réduire ce risque. Peut-on extrapoler à la COVID 19 comme le suggère une équipe californienne [1] ?
L’activité immuno-modulatrice de la vitamine D a conduit plusieurs équipes à étudier les relations entre vitamine D et infections respiratoires aiguës.
Des études observationnelles
Une étude de cohorte, publiée en 2010, a été menée aux États-Unis sur 198 adultes en bonne santé. Cette étude a montré que des concentrations plasmatiques de vitamine D d’au moins 38 ng/mL étaient associées à un risque d’infection respiratoire virale divisé par deux (p < 0, 0001) [2].
Une équipe australienne a identifié, en 2019, 24 études observationnelles analysant la relation entre vitamine D et infection respiratoire aiguë (études cas-témoins, études transversales et études de cohorte) [3]. Ils ont effectué deux méta-analyses :
– Une méta-analyse (14 études et 78 127 sujets inclus) a montré une relation inverse entre concentration plasmatique de vitamine D et risque d’infection respiratoire aiguë.
– L’autre méta-analyse (5 études et 1 495 sujets inclus) a montré une relation inverse entre concentration plasmatique de vitamine D et sévérité de ces infections. Pour la comparaison entre les valeurs les plus élevées et les plus basses, les OR respectifs sont : 1,83 (1,42-2,37) et 2,46 (1,65-3,66). La relation observée n’est pas linéaire ; on note une cassure de la courbe (de la relation entre odds ratio et concentration plasmatique de vitamine D).
L’accroissement le plus important du risque d’infection respiratoire aiguë s'observe pour des concentrations de 25 (OH)D inférieures à 37,5 nmol/L.
Des essais randomisés
En 2019, le National Institute for Health Research (NIHR) du Royaume Uni a publié, dans le cadre de son programme « Health Technology Assessment », une méta-analyse des essais randomisés évaluant l’efficacité d’une supplémentation en vitamine D dans la prévention des infections respiratoires aiguës. Les auteurs ont identifié 25 essais randomisés en double aveugle versus placebo incluant au total 11 321 participants ; ils ont obtenu des investigateurs les données individuelles pour 96,6 % des participants [4].
La supplémentation en vitamine D est associée à un risque moindre d’infection respiratoire aiguë : OR = 0,88 (0,81-0,96). L’analyse en sous-groupe montre que cette diminution du risque est observée chez les sujets recevant une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire en vitamine D (OR 0,81 ; 0,72-0,91) mais non chez ceux recevant une dose mensuelle ou trimestrielle (OR 0,97 ; 0,86-1,10). Chez les sujets recevant une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire, la réduction du risque est beaucoup plus marquée lorsque la concentration plasmatique de 25 OH vitamine D est inférieure à 25 nmol/L (OR 0,30 ; 0,17-0,53) que lorsqu’elle est supérieure ou égale à cette valeur (OR 0,75 ; 0,60-0,95).
Il n’a pas été noté de différence pour le risque d’effet indésirable grave entre les patients supplémentés et les patients recevant un placebo (OR 0,98 ; 0,80-1,20) ; la survenue d’une hypercalcémie et d’un calcul rénal est équivalente dans les deux groupes.
Une équipe californienne a publié, le 2 avril dernier, une nouvelle revue de la littérature et suggère que la carence en vitamine D pourrait aussi être un facteur de risque pour la survenue et la gravité de la COVID-19 [1]. Cette équipe propose que toutes les personnes à risque de COVID 19, et en particulier le personnel hospitalier, bénéficient d’un traitement par 10 000 IU de vitamine D3 par jour.
Pour la pratique
Une méta-analyse récente et de bonne qualité a montré qu’une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire en vitamine D permettait de réduire le risque de survenue d’une infection respiratoire aiguë. L’effet est substantiel lorsque la concentration plasmatique de 25 OH vitamine D est inférieure à 25 nmol/L.
Proposer une large utilisation de ce traitement bien toléré et peu coûteux pour diminuer le risque de COVID-19 est séduisant. Mais, en toute rigueur, seules des études randomisées permettraient de confirmer que cet effet préventif s’applique aussi à la COVID-19.
Liens d'intérêts
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.
Références
1. Grant W, Lahore H, McDonnell SL, et al. Evidence that Vitamin D Supplementation Could Reduce Risk of Influenza and COVID-19 Infections and Death. Nutrients 2020 ; 12 : 988 ; doi : 10.3390/nu12040988
2. Sabetta JR, DePetrillo P, Cipriani RJ, et al. Serum 25-Hydroxyvitamin D and the Incidence of Acute Viral Respiratory Tract Infections in Healthy Adults. PLoS ONE 2010 ; 5 (6) : e11088.
3. Pham H, Rahman A, Majidi A, et al. Acute Respiratory Tract Infection and 25-Hydroxyvitamin D Concentration : A Systematic Review and Meta-Analysis. Int J Environ Res Public Health 2019 ; 16 : 3020.
4. Martineau AR, Jolliffe DA, Greenberg L, et al. Vitamin D supplementation to prevent acute respiratory infections : individual participant data meta-analysis. Health Technol Assess 2019 ; 23 (2).