30 mars 2020 - La dynamique de développement de l’épidémie de COVID-19 dans le premier mois en Chine
Correspondance : Philippe Casassus
PU-PH émérite de Thérapeutique, Université Sorbonne-Paris Nord
Mots clés : COVID-19 ; épidémie [COVID-19 ; disease outbreak]
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Introduction
Le 29 janvier 2020, le centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (China CDC) a publié dans le New England Journal of Medicine l’information donnant la dynamique de développement d’une nouvelle pneumopathie qui évoquait l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003, due à un nouveau coronavirus, le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2), responsable de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) dont les 4 premiers cas ont été signalés juste un mois auparavant, le 29 décembre 2019, à Wuhan, ville de 11 millions d’habitants du centre de la Chine.
L’étude
Ces quatre malades provenaient tous d’un marché de poissons en gros. Le dépistage a pu se faire grâce au système de surveillance des pneumopathies atypiques mis en place depuis le SRAS. En quelques jours, des cas ont été signalés dans une dizaine de villes chinoises. Les auteurs ont essayé de comprendre le cheminement de la contagion à partir des 425 premiers cas authentifiés.
Tous les cas étaient étudiés sur la base du diagnostic de « pneumopathie inexpliquée » avec : fièvre, signes radiologiques de pneumopathie, leucocytose normale ou basse ou lymphopénie, absence d’amélioration après 3 à 5 jours d’antibiotiques. Ils ont tous été l’objet d’une enquête épidémiologique très approfondie (quasi policière !), concernant les malades, leurs proches, leur environnement et les instances médicales qui les avaient accueillis. Les critères ont ensuite été affinés, tenant compte d’un séjour à Wuhan ou un contact avec des personnes y étant allé dans les 14 jours précédant et revenant avec fièvre ou signes respiratoires. Le diagnostic était alors confirmé par un test viral positif (isolation du virus ou PCR ou mise en évidence d’une séquence génétique du virus).
Le taux de croissance épidémique a été estimé par l'analyse des cas apparus entre le 10 décembre et le 4 janvier, en utilisant un modèle de transmission d’infections zoonotiques, et le numéro de reproduction (R0) a été défini comme le nombre attendu de cas supplémentaires qu’un cas malade générera, en moyenne, au cours de sa période infectieuse dans une autre population non infectée.
Au cours du mois de janvier, la croissance des cas a été exponentielle. La majorité des premiers cas était en rapport avec une exposition au marché de gros des fruits de mer de Wuhan.
L’âge moyen était de 59 ans (15 à 89), dont 56 % d’hommes et il n’y avait aucun enfant de moins de 15 ans. Il est possible qu’ils soient moins infectés ou que les symptômes soient moins sévères chez eux, les faisant ignorer par l’étude.
Trois périodes ont été considérées : un début de maladie avant le 1er janvier (date de la fermeture du marché), entre le 1er et le 11 janvier (où la PCR était disponible à Wuhan), et du 12 au 22 janvier. Le nombre de personnels de santé atteints n’a cessé d’augmenter au cours des deux dernières périodes. La durée moyenne d’incubation a été de 4,5 jours (4,1 à 7,0).
Jusqu’au 4 janvier, le taux de croissance épidémique était de 0,10 par jour avec un temps de doublement de 7,4 jours (4,2-14), et l’indice R0 estimé à 2,2 (un R0 doit être inférieur à 1 pour limiter le risque d’épidémie) – alors qu’il était à 3 avec le SRAS. Il n’a pas été évalué ensuite car l’apparition des nouveaux tests biologiques risquait d’amplifier artificiellement les calculs en détectant des sujets asymptomatiques. Le délai avant la visite d’un premier médecin a été de 5,8 jours en moyenne pour les 45 premiers malades, guère modifié (4,6 jours) ensuite, et le délai avant une hospitalisation de 12,5 jours.
L’atteinte des personnels de santé a été moins forte que ce qui avait été observé lors des épidémies précédentes, notamment lors du SRAS de 2003, marquée par une grande hétérogénéité de la transmission.
Il a fallu attendre au moins 5 jours pour 89 % des sujets avant qu’ils soient hospitalisés. Ceci peut être dû à la difficulté de prendre conscience des troubles au début de la maladie et justifierait un effort pour la prise en charge des malades ambulatoires.
L’étude a conduit l’institut chinois à suggérer une période d’observation médicale ou une quarantaine (pour les sujets exposés) de 14 jours. Le fait qu’il s’agissait d’une infection nouvelle, pour laquelle ils n’avaient pas initialement les tests biologiques, a certainement sous-estimé le nombre de cas au début, d’autant plus qu’ils se sont aperçus secondairement que certains patients peuvent présenter des symptômes gastro-intestinaux et une infection asymptomatique, ce qui n’était pas pris en compte.
Pour la pratique
Cette publication particulièrement rapide des médecins chinois montre que l’infection par le COVID-19, même si elle semble moins contagieuse que celle du SRAS de 2003, a vite pris une ampleur inquiétante à partir de son départ d’un marché aux poissons de Wuhan. C’est en partie du fait de la non-détection des cas asymptomatiques (qui semblent fréquents, en particulier chez l’enfant) et de formes trompeuses à manifestation digestive.
Liens d’intérêts :
L'auteur déclare n’avoir aucun lien d'intérêt en rapport avec l’article.
Référence
1. Li Q, Guan X, Wu P, et al. Early Transmission Dynamics in Wuhan, China, of Novel Coronavirus–Infected Pneumonia. N Engl J Med 2020 ; 382 (13) : 1199-207.