30 mars 2020 - L’essai Discovery contre le COVID-19
Correspondance : Philippe Casassus
PU-PH émérite de Thérapeutique, Université Sorbonne-Paris Nord
Mots clés : COVID-19 ; antiviraux ; essai clinique [COVID-19 ; antiviral agents ; clinical trial]
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Introduction
L’INSERM vient de lancer un vaste essai thérapeutique académique européen contre le COVID-19 évaluant plusieurs molécules antivirales (sélectionnées sur de premières études montrant leur éventuel intérêt), en rajoutant, à la demande des pouvoirs publics, un bras « hydroxychloroquine » justifié lui aussi par les études chinoises.
L’étude
L’essai Discovery [1] va comporter cinq modalités de traitement proposées aux malades par randomisation stratifiée, selon le stade d’évolutivité de la maladie :
– Soins standards ;
– Soins standards plus remdesivir ;
– Soins standards plus lopinavir et ritonavir,
– Soins standards plus lopinavir, ritonavir et interféron bêta,
– Soins standards plus hydroxychloroquine.
Le remdesivir a montré une certaine efficacité dans la fièvre Ébola. C'est un analogue de nucléotide, proche de l’adénosine et qui tend à bloquer l’ARN polymérase viral*.
L’association lopinavir et ritonavir, efficace dans l’infection par le VIH, théoriquement intéressante, s’est montrée décevante dans un premier essai chinois.
Un autre bras va adjoindre à cette association l’interféron bêta. La logique de cette association est que la charge virale chute spontanément au bout d’une semaine environ et que l’aggravation des malades est alors due non pas à l’effet direct du virus mais à un état inflammatoire dépendant des cytokines où l’interféron bêta aurait son rôle à jouer.
Enfin, le bras hydroxychloroquine (préférée à la chloroquine car moins toxique), que justifient certains travaux chinois (cf. plus haut), est devenu important dans la polémique qui s’est constituée avec l’étude marseillaise.
Il est prévu d’inclure 3 200 patients européens : sont concernés, outre la France (l’INSERM étant le promoteur), la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Espagne, et peut-être d’autres pays. Il y aura au moins 800 sujets inclus en France hospitalisés pour une infection COVID-19 dans un service de médecine ou directement en réanimation. Cinq hôpitaux (Paris – hôpital Bichat-AP-HP, Lille, Nantes, Strasbourg, Lyon) participent au départ, mais ce sera élargi au plus grand nombre de services amenés à avoir une unité COVID dès lors que leur logistique leur permet de communiquer en temps réel des informations, sous le contrôle de services de maladies infectieuses ou de réanimation investigateurs. Les premiers malades inclus l’ont été le 22 mars.
« Cet essai est conçu de façon pragmatique et adaptative. Il a pour but d’analyser l’efficacité et la tolérance des options thérapeutiques pour les patients dans un temps limité. C’est une démarche de recherche résolument proactive contre la maladie », précise le Pr Florence Ader, qui pilote l’essai. Cela signifie qu’il sera à « géométrie variable » : des bras pourraient être secondairement rajoutés à la randomisation en fonction de la survenue de nouvelles informations et des bras arrêtés s’ils s’avéraient délétères.
L’évaluation est clinique et se fait au 14e jour.
On peut supposer qu’il s’agira – comme dans un essai français plus limité puisqu’il ne teste que l’hydrochloroquine versus placebo qui doit débuter la semaine prochaine – d’évaluer un critère clinique : la non-nécessité de passage en réanimation. Dans ce cadre, on peut regretter (contrairement à ce qui est prévu dans l’essai français) que l’étude ne se déroule pas en double aveugle, car cela peut entraîner un petit biais d’interprétation, sauf si les critères sont définis par des paramètres biologiques objectifs tels qu’une saturation en oxygène des gaz du sang ce qui n’est pas précisé sur le site de l’INSERM.
Cet essai va par ailleurs compléter les données qui seront recueillies au cours d’un autre essai clinique international qui va bientôt commencer sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé, baptisé « Solidarity ».
Pour la pratique
Même si l’on peut comprendre la motivation de soignants d’utiliser en dernier recours un traitement non encore validé, la seule façon d’avancer rapidement dans la connaissance d’une thérapeutique efficace dans toute maladie, a fortiori grave, est un essai comparatif rigoureusement organisé. Espérons que le plus grand nombre possible de centres de soins du COVID-19 pourra participer à un tel essai.
Liens d’intérêts
L'auteur déclare n’avoir aucun lien d'intérêt en rapport avec l’article.
Référence
1. INSERM. Covid 19 : Démarrage de l’essai clinique Discovery. https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/covid-19-demarrage-essai-clinique-discovery
*Une étude a débuté aussi aux États-Unis (Université du Nebraska) sur cette molécule.